Commémoration du 11 novembre : Discours du Maire

Francisque Vigouroux, Maire d’Igny :
« Messieurs les anciens combattants,
Messieurs les portes drapeaux,
Mesdames, Messieurs les représentants d’associations d’anciens combattants,
Mesdames, Messieurs les élus du conseil municipal, chers collègues,
Mesdemoiselles, Messieurs les élus du conseil municipal des enfants,
Mesdames, Messieurs, chers Ignissois,
Aujourd’hui, comme chaque 11 novembre, nous nous retrouvons, à l’invitation de l’appel national, relayé par les communes pour commémorer l’anniversaire de la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne le 11 novembre 1918.
Cet acte marque la fin de la Première Guerre mondiale. C’était il y a plus d’un siècle.
Aujourd’hui, comme chaque 11 novembre, nous rappelons le caractère exceptionnel de ce conflit total durant 4 années et déclenché par l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie.
C’est le jeu des alliances et l’impérialisme colonial des nations européennes qui embrase ce conflit pour le généraliser. La Triple Alliance de l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie s’oppose à la Triple-Entente de la France, la Russie et la Grande-Bretagne. Engagé en Europe, le conflit finit par mobiliser le monde entier : de la Russie aux Etats-Unis en passant par l’Afrique et l’Asie.
La Grande guerre, comme on l’appelle, fût également une guerre totale mobilisant les soldats sur le champ de bataille comme les civils à l’arrière et notamment les femmes. Elles ont contribué à l’effort de guerre en cultivant les champs, en travaillant dans les usines, en soignant les blessés.
Bien que provoquée par l’attentat de Sarajevo, les origines de cette guerre sont bien plus anciennes et profondes et reposent notamment sur des rivalités stratégiques, politiques, économiques et coloniales entre les différentes nations.
Chaque année, il est nécessaire de rappeler ici qu’avec la Première Guerre mondiale se développe une nouvelle façon de combattre. L’apparition des armes chimiques et de nouveaux moyens comme l’aviation. Les blindés sont redoutables et détruisent tout : les paysages, les villages et les hommes. Une industrie et une économie de guerre se mettent en place : fabrication de munitions, voitures, chars de combats… Cette guerre est aussi celle des tranchées. En Europe, le conflit alterne entre guerre de mouvement en 1914, en Belgique et dans le Nord-Est de la France, et guerre de position à partir de 1915. Le front se fixe, notamment à Verdun où Français et Allemands s’affrontent pendant des mois, comme pour la bataille de la Somme. Les soldats s’enterrent progressivement en créant des tranchées. Ils apprennent à vivre dans la boue, avec les rats. Au fil des mois, cette offensive se transforme en guerre d’usure. Les batailles de Verdun et de la Somme font 2 millions de victimes.
Aucune guerre n’avait mobilisé autant de soldats et fait autant de morts. Son bilan est effrayant. Au niveau mondial, ce sont 10 millions de tués et 8 millions d’invalides. En France, on compte 1.5 million de morts et disparus, 4.2 millions de blessés.
Je pourrai poursuivre pendant des heures en égrenant les chiffres terribles et les faits dramatiques qui ont asservi et meurtri notre nation, l’Europe et les européens.
Mais ce qui compte, c’est forcément d’entretenir la mémoire des disparus, de penser à leurs familles mais c’est surtout de se dire qu’ils ne sont pas morts pour rien….
Pas tout à fait pour rien puisque le 11 novembre 1918, dans la forêt de Compiègne, l’armistice entre la France et l’Allemagne est enfin signé, mettant un terme à plus de quatre ans de combats.
Dans les années qui suivent, plusieurs traités de paix sont signés, scellant notamment le sort de l’Allemagne avec de lourdes sanctions comme pour les Etats vaincus.
Et nous savons après coup que dans un contexte de montée des nationalismes et du fascisme en Europe dans les années 1930, ce traité de paix et ses conséquences sera l’un des déclencheurs de la Seconde Guerre mondiale, Hitler le considérant humiliant pour l’Allemagne.
Alors je me réinterroge : sont-ils morts pour rien ? Car la « der des der » n’a pas été. Nombre de conflits se sont succédés depuis, sous d’autres formes, dans d’autres lieux, avec une violence toujours plus accrue.
Incontestablement, les époques changent mais pas la nature humaine, pas les guerres.
Que pouvons-nous retenir de cette commémoration ? Comme des autres ? A quoi ça sert ?
A chaque fois, nous nous disons que ces moments d’hommages et de souvenir en faveur des disparus, des soldats, des héros anonymes nous permettent de faire nation, de faire communauté.
Mais aujourd’hui particulièrement, quel est le sens de ce rassemblement ?
Depuis 2 ans, la guerre a ressurgi à l’est de l’Europe. Il paraît que les conflits du 21e siècle seraient d’abord technologiques, économiques et moins ceux des gueules cassées. Eh bien, il n’en est rien. Nous avons l’un et l’autre.
Les guerres ne changent pas car les hommes ne changent pas.
Tantôt, c’est l’invasion territoriale, l’asservissement d’un peuple pour le spolier comme en Ukraine, pour étendre son territoire. Tantôt c’est la volonté d’exterminer un peuple, comme en Israël ou en Azerbaïdjan et une incompatibilité à vivre côte à côte.
En France, nous sommes à la veille d’un rassemblement national que je n’aurais jamais imaginé, contre l’antisémitisme.
Et nous sommes dans un pays qui a tant d’atouts mais qui a tant de talents pour les gâcher. Comment en sommes-nous arrivés à tant de violences et d’échecs ? Pourquoi se rassembler régulièrement pour dénoncer des actes abjects, des assauts contre nos valeurs, contre la République ?
Une guerre ne se déclenche pas quand un pays va bien, quand son économie est florissante, quand son peuple est serein. C’est tout le contraire.
Nous vivons au rythme des crises depuis bientôt 5 ans, économiques, sociales, sanitaires, sécuritaires et aussi de plus en plus souvent climatiques…Bref, peut-être existentielles. Le pays est fracturé.
Il nous faut obligatoirement nous ressaisir et accepter l’idée que notre bonheur individuel et collectif passe par l’envie renouvelée de faire société, de vivre ensemble, de nous accepter les uns les autres par-delà nos différences, sociales, générationnelles, géographiques, raciales, sexuelles, religieuses.
Le modèle français du creuset républicain est abîmé. Mais ce n’est pas une fatalité. Et la poursuite du délitement serait dramatique.
Ne croyons pas que les heures terribles de la guerre sont définitivement derrière nous. Ne croyons pas non plus que nous ne sommes capables de refaire nation ensemble.
Je forme donc l’espoir que ces jours fériés, comme aujourd’hui, consacrés au souvenir, devant nos monuments aux morts ne soient pas vains et constituent un sursaut, ici comme dans les plus de 35.000 cimetières de nos communes de France. »
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